Anges de Racine

Qu'est-ce que lire ?

De quel phénomène parle-t-on ? (Définition générale)

Lire, ce n’est pas décoder, ce n’est pas « faire du sens » (sic) et ce n’est pas un jeu pour en arriver à deviner l'oralisation d'un mot. De plus, lire ne se limite pas à une reconstruction personnelle de la signification de ce qui est lu, ni à une activité réduite à comprendre le sens de la phrase, du paragraphe et du texte. Non, lire c'est plus que tout cela.

Si présentement vous lisez cette phrase, avez lu les phrases précédentes et lirez celles qui suivent, vous faites plus que de simplement essayer de comprendre ce que j'écris, vous réagissez intellectuellement et affectivement en comparant ce que vous savez et pensez avec ce que j'énonce, en constatant ou non les liens avec votre pratique et vos connaissances antérieures, pour en venir à juger la valeur et la pertinence du contenu soumis afin de décider de poursuivre ou non cette lecture. Un lecteur qui ne réagit pas au texte, ne lit pas véritablement. Au mieux, il exerce une sous-habileté de la lecture, l’oralisation interne ou externe, qui lui donnera un vague souvenir de ce qu’il aura lu et au pire, aucun souvenir, le vide. Dans ce dernier cas, on pourrait dire alors que l’activité n’aura été qu'une évasion anesthésiante ou qu’un exercice labial inutile...

Lire, c'est réagir. Si vous ne réagissez pas cognitivement et affectivement à ce qui est écrit, cette lecture est inutile.

Lire, comme toutes les autres activités cognitives qui sollicitent un langage sur une forme ou une autre, est un processus mental qui implique des émotions et des raisonnements. Cela dit, l'émotion est généralement le fruit d'un raisonnement primaire ou sera l'impulsion à l'origine d'un raisonnement éventuel. Que nous lisions un roman, un éditorial ou un ouvrage informatif, l'acte de lire dans toute sa plénitude est essentiellement un acte de raisonnements intégrant les émotions et les jugements. Lire, c'est raisonner (par exemple : inférer, déduire, juger, créer des liens, extrapoler, questionner, etc.).

Écrire, c'est aussi raisonner...


Extrait de Boyer, C. (2010). Le programme orthopédagogique DIR en lecture. Montréal: Éditions de l’Apprentissage.

© Éditions de l'Apprentissage et Christian Boyer


Annexe G

Une définition fonctionnelle de la lecture

Cette définition reflète le rationnel et les recherches derrière le programme DIR et mes autres programmes en lecture. Elle met en lumière certains comportements marqueurs du degré d’apprentissage de la lecture.


Qu’est-ce que lire ?

Mario et Marie-Line jouent sur le trottoir même s’il pleut. Marie-Line fait de la bicyclette. Mario joue avec son ballon rouge. Mohamad est assis sur le bord du trottoir et regarde les deux enfants qui s’amusent.


1) Un enfant incapable d’oraliser l’extrait ci-dessus ne sait pas lire.

2) Un enfant qui oralise le passage ci-dessus en changeant plus de quatre mots (en les substituant par d’autres mots qui respectent ou non la syntaxe — en d’autres mots, une exactitude inférieure à 90% — 32/36), ne sait pas oraliser correctement et ne comprendra probablement pas avec précision ce qu’il lit.

3) Un enfant qui oralise correctement (exactitude) l’extrait ci-dessus en prenant plus d’une minute et vingt secondes (1 minute et 20 secondes représente un débit de 30 mots à la minute) n’oralise pas avec fluidité et ne comprendra probablement pas avec précision ce qu’il lit.

4) Un enfant qui oralise le passage ci-dessus correctement en prenant moins d’une minute et vingt secondes (exactitude et débit) mais en oralisant sans respecter la segmentation (la ponctuation et les regroupements syntaxiques) ne sait pas oraliser correctement et ne comprendra probablement pas avec précision ce qu’il lit.

5) Un enfant qui oralise le passage ci-dessus correctement en prenant moins d’une minute et vingt secondes (exactitude et débit) en respectant la segmentation, mais qui n’en fait pas une lecture prosodique (emphatique), ne sait pas bien oraliser et ne saisit sans doute pas toutes les nuances du texte (ce dernier élément s’applique plus dans le cas d’un texte plus long et plus dense).

6) Un enfant qui oralise correctement (exactitude, débit, segmentation et prosodie) le passage ci-dessus, mais qui est incapable de répondre à au moins deux questions littérales immédiatement après ou pendant sa lecture (Qui a un ballon? Que fait Mohamad? Que fait la fille? Où sont les enfants?) sait oraliser, mais il ne sait pas vraiment lire.

7) Un enfant qui oralise correctement le passage ci-dessus, qui a bien répondu aux questions littérales (exactitude, débit, segmentation, prosodie et rétention) mais qui est incapable de répondre à au moins une question inférentielle immédiatement après ou pendant sa lecture (Combien y a-t-il d’enfants qui jouent sur le trottoir? Est-ce qu’il y a des nuages dans le ciel?) sait oraliser et assimiler l’information littérale présente, mais il ne sait pas que lire, c’est aller au-delà des mots, que lire, c’est raisonner; en fait, il n’est pas encore un lecteur accompli.

Savoir lire, c’est être capable d’oraliser avec précision, fluidité, en respectant la segmentation et en mettant l’emphase sur certains éléments (prosodie), en retenant des informations littérales et en faisant des inférences découlant des informations littérales. Lire, c’est réagir au texte ; lire, c’est raisonner.

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